La longue mais captivante intervention de M. Séralini (professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, président du conseil scientifique du CRII-GEN) à l’issue de la projection du film Severn au cinéma de Carentan nous conforte dans nos efforts pour promouvoir une alimentation produite sans trop d’outrages à mère nature. Entre des interventions de portée planétaire au Japon, en Inde ou Etats-Unis, Eric Séralini a pris le temps d’éclairer quelques dizaines d’habitants des marais du Cotentin sur les vertus d’une polyculture extensive, les dangers de la marchandisation des OGM, les enjeux d’une science indépendante et contradictoire. Plus d’un buvait ses paroles, supait ses arguments et trempait dans ses convictions. Moi qui ne suis pas un béat de la décroissance, un adversaire de la consommation, un partisan du repli, un obsédé des risques sanitaires, un faucheur d’OGM, un végétalien sincère, un ayatollah de l’écologie, je voyais pourtant bien des choses s’organiser, ce soir là, autour de mon assiette de soupe.
La soupe, ce mets planétaire, commun à toutes les nations, riches ou pauvres, dominantes ou oubliées, illustre à lui tout seul le mode de développement que nous voudrions diffuser autour de nous.
A elle toute seule, une assiette de soupe est souvent la révélation de la biodiversité. Cette biodiversité si précieuse aux équilibres, si précieuse à l’homme, si précieuse à l’économie. Une soupe réunit toutes sortes d’aliments, de condiments que l’on choisira en fonction des ressources locales et saisonnières.
A elle toute seule, une assiette de soupe permet de poser le problème des atteintes à notre environnement, en particulier celui du réchauffement climatique. La provenance des ingrédients de ma soupe, mes choix de consommateurs ont-ils des retombées raisonnables ?
A elle toute seule, une assiette de soupe est souvent un gage de santé. A condition d’être composée d’aliments sainement cultivés, la soupe éloigne le spectre de ces innombrables maladies dont la propagation est sans doute liée à nos modes de vie et d’alimentation.
A elle toute seule, une assiette de soupe peut être le remède à la question de la faim dans le monde. La crainte du manque de ressources alimentaires face à l’accroissement démographique mondial (9 milliards en 2050) et surtout à l’occidentalisation des modes de consommation peut s’évanouir devant une assiette de soupe. Mets souvent à base végétale, la soupe permet d’éloigner le risque de surconsommation de viande et le gaspillage des terres agricoles, trop largement consacrées à l’alimentation des animaux des sociétés industrialisées plutôt qu’à celle immédiate des hommes pauvres. Le gâchis des protéines végétales pour obtenir une malheureuse protéine animale doit être dénoncé autour d’une assiette de soupe.
A elle toute seule, une assiette de soupe symbolise la nécessaire solidarité entre les locataires de la planète. Ce plat se partage, se distribue. Il est commun à tous les convives et une fois la soupe versée, le creux de mon assiette ressemble tant à celui de mes voisins.
Biodiversité, responsabilité, santé, satiété et solidarité, voilà cinq ingrédients d’une soupe que l’on voudrait plus largement populaire.
Olivier Jouault