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23 septembre 2015 3 23 /09 /septembre /2015 17:18
Un régal partagé

Dominique Hutin, critique œnologique et journaliste à France Inter chaque dimanche matin (On va déguster), nous fait l'honneur de nous offrir un bel éditorial pour introduire le 7ème couvert de Mange ta soupe !

A savourer :

Mange ta sœur !

Comment ça, « non » ? Alors finis ta soupe.

J'en ai soupé de ces injonctions familiales qui résonnaient comme une menace autant que la promesse d’un ennui sans fin au bord du bol. Une soupe -à la grimace- servie chaude et finie à très petites lampées, froide. Devant la soupe, je ne savais que soupirer. Voir ou voire ? pire.

Mais ! Depuis qu’à chaque automne le GPS gourmand s’affole aux abords de Carentan, le « beurk » originel s’est mu en une envie vraie d’en découdre avec la soupe. C’est ainsi que, portée par la foi des nouveaux convertis, la soupe est devenue un best-seller des repas familiaux.

Mon métier m’exposant à tous les appétits des communicants, je sais mieux que quiconque que les paroles n’ont que peu de poids -et aucun sens- si elles ne sont pas étayées par des actes. Il me fallait donc éprouver mon nouvel amour soupien. Ce que j’ai eu l’occasion de faire lorsque, pour la première fois, j’ai posé mon rond de serviette à MTS (permettez que je vous appelle par votre petit nom). Venu en régional de l’étape pour présider le concours de l’édition 2010, je m’étais repu d’une « Soupe au cidre », étonné d’une « Soupe à la consoude », régalé d'une « Soupe à la surelle ».

Ré-ga-lé, oui. Et bien au-delà de l’unique sens gourmand. Car MTS ne justifie pas sa nécessaire existence par le seul fait de renouveler l’imaginaire autour de la soupe. Son autre talent est de pouvoir prétendre à l’adhésion populaire. Populaire, oui. Le populisme, nous le laissons de bonne grâce aux procureurs médiatiques qui, en aboyeurs franchouillards, entretiennent leur fonds de commerce à grands renforts de « c'était mieux avant » ou de « la Terre ne saurait mentir ». A ces relents d’ancien régime, MTS oppose une joie contemporaine, en mouvement, le temps d’un week-end.

Plus précieux encore est le discret travail de réconfort social mené toute l’année, auprès de tous ceux qui sont relégués à la marge, en un geste généreux et collectif, sans volet misérabiliste. Ici, on ne laisse personne sur le bord de l’assiette.

Mais si cet évènement manchois colle à son époque, ce n’est pas uniquement grâce à son format, très « cuisine de rue » (en 2015, prononcez « street food »). Non, MTS tire sa légitimité de ce que la soupe n’est que la partie visible de l’iceberg. « Pas de soupe sans légumes, pas de légumes sans producteurs, pas d’avenir sans savoirs ». Une petite musique susurrée toute l’année à l’oreille des écoliers, des collégiens qui, revenus dans le giron familial, se meuvent auprès des autres générations en prescripteurs d’un manger sain et gai. Le tout conjugué au présent et au futur.

« Tu as faim ? Mange ta main … et garde l’autre pour demain » Ainsi MTS2015, est un millésime « Carotte ». Même pas peur : la carotte, j’en ai fait un encas de luxe pour mes enfants. Quelques caresses avec un économe, trois traits de couteaux et quelques secondes plus tard, de fiers bâtonnets orange font figure de grignotis (préparez 2016, dites « finger food »), pour patienter pendant que les parents finissent d’en venir aux mains avec la préparation du dîner. Sauf que, de la carotte, d’autres n’ont retenu que « la carotte ou le bâton ». La peste ou le choléra, merci. Pour certains, soupe et carotte, sonne comme une double peine. Vous qui avez la soupe triste, cette joviale carotte l'imaginiez-vous violette, la saviez-vous jaune, l'aviez-vous devinée blanche, connaissiez-vous le modèle « Carotte de Carentan », parfois décrit en une « variété ancienne, précoce, à chair rouge bien colorée et … sans cœur » ? « Sans cœur » ! Nous sommes convaincus que pareille assertion ne peut être le fait que d’un boutiquier à triste figure, à des années-lumière du riant Jean-François Brix, charcutier perché plus au nord, casquette au crâne et sourire en coin, chez qui on trouvera la vraie « la graisse à soupe » pour ceux que « la soupe agresse ».

Si vous buvez mes paroles, attention !, avez-vous pensé à vous réhydrater ? C’est important, vous le savez. Soit. Mais avec quel liquide accompagner la soupe ? Parce qu’avec « liquide plus liquide », je crains qu’il ne faille envisager un entonnoir de gros calibre. Laissez-moi vous souffler une piste naturelle pour un normand de naissance comme moi : laissez-vous aiguillonner par le cidre (en 2016, 2017, 2018, … pensez « Cidre Cotentin »).

Soyez des nôtres, je remplirai votre verre mais avant, rappelez-vous que ce fieffé « MANGE TA SOUPE » nourrit l’anagramme « SATANE OGM PUE ».

Oui, manger, c’est faire des choix, et ce, chaque fois que l’occasion vous en est donnée.

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